

État du 25 janvier 2017 à 08h09


Sculpture action in situ | gobelets en acier inoxydable | photographies | 2017
Cette itération indienne du principe sculptural de n(n+1)/2 (2011) remplace les pots de yaourt en verre, spécifiques de la France, par des gobelets en acier inoxydable, spécifiques de l’Inde. En passant de la transparence à l’opacité miroir, ce changement de matière a une incidence sur l’expérience du reflet et de l’espace.
Son installation en milieu semi-urbain hors d’un espace d’exposition, sa prise en compte de l’environnement, son caractère éphémère ainsi que l’attention portée au passage du temps et le matériau utilisé, en font une pièce située entre l’arte povera, l’art urbain et le land art. Elle poursuit ainsi le projet Inde in situ (2007) produit 10 années auparavant dans la même ville.
Elle a été construite sur place, aux dimensions du lieu, en quelques heures, pour une journée et une nuit, au 4e étage d’un édifice commercial indien en construction, dans un endroit de passage pour les ouvriers. Elle existe dans différents états : l’un monté partiellement, un autre monté complètement, un autre effondré sur elle-même. Elle se monte sans colle à partir d’une courbe dessinée au sol. Le nombre de gobelets nécessaires à sa réalisation dépend des dimensions du lieu et du contexte.
Le titre FORTUNE est un rappel au nom donné à l’immeuble commercial dans lequel a été installée la sculpture. Mais, on gardera en tête que « fortune » invoque avant tout le destin ou le hasard et son allégorie mythologique à laquelle les romains portaient un culte.
« (…) L’immeuble s’appelle « Fortune ».(…)
(…) Le quatrième étage ouvre sur un panorama de commerces monumentaux. Au bord du vide, un homme dort dans une couverture à même le sol, la main sur un harmonium. Le bruit de l’avenue remonte comme un écho musical. Lointain souvenir d’un Roaratorio.
Dans un coin, à l’abri du vent, se dresse, fragile, solitaire et silencieuse, une structure pyramidale faite de petits miroirs. La lumière vient rebondir sur son étrange surface concave. J’en fais le tour. Et la lumière y glisse lentement. Le sol crépite sous le pied. Mer de sable gris, empreintes de chaussures partiellement effacées dans le passage. Appuyés les uns sur les autres, le cul vers le haut, des gobelets en acier inoxydable. Ils tiennent dans un équilibre précaire à l’aplomb du croisement de poutres soutenant le plafond. La base en arc de cercle, cette voile d’acier percée pointe à 2m50. Tendue entre deux étages, elle embrasse le vide. Sur les récipients, tourne le dessin des strates d’un polissage industriel. Hier encore, je buvais dans l’un d’entre eux. Regarde comment le monde s’y reflète.
Le soleil tombe et tache la matière d’une lumière orange.
Dans la lumière de la nuit, voilà que scintillent les néons publicitaires.(…) »
Extrait d’un texte de David Ayoun